logo titre
  carte1   carte2   PDF
 
actu
 
 
liens
 
accueil > contexte géopolitique > Turquie
 

Tensions autour de la Turquie

 

Quelques repères historiques - Positions des Etats riverains de l'Euphrate et du Tigre - La Turquie vue par les Arabes

 

La Turquie bénéficie d’une situation hydraulique remarquable qui lui a permis de lancer un vaste projet d’aménagement des ressources en eau : le GAP.

 

Toutefois, ce projet réduit fortement le débit des deux fleuves principaux, le Tigre et l’Euphrate, et suscite donc des tensions avec les pays en aval, la Syrie et l’Irak.

 

Quelques repères historiques

Depuis une trentaine d’années, la Turquie et les deux pays arabes s’opposent fortement sur le partage des eaux de l’Euphrate et du Tigre. Dès les années 1960, des discussions sont engagées qui aboutissent le plus souvent à l’échec des négociations.

 

La construction de barrages comme celui de Tabqa en Syrie participe de la détérioration des relations entre les deux frères ennemis. L’Irak a en effet accusé la Syrie de retenir les eaux de l’Euphrate pour le remplissage du lac de retenue Assad. Malgré la médiation saoudienne, la crise n’a pu être apaisée que par l’intervention soviétique. Néanmoins, les accusations de l’Irak envers la Syrie se sont renouvelées régulièrement par la suite, principalement pendant la période de sécheresse au cours des années 1980.

 

De même, les tensions entre la Turquie et ses voisins arabes sont récurrentes, en particulier avec la Syrie. Celle-ci refuse de reconnaître l’annexion du Sandjak d’Alexandrette par la Turquie. Ce territoire syrien avait été cédé par la France à la Turquie en 1939 afin d’assurer la neutralité turque. Or il est parcouru par les eaux de l’Oronte, fleuve exploité à 90% par la Syrie. En conséquence, la Syrie n’accepte aucun des accords proposés par la Turquie sur les cours d’eau communs aux deux Etats. Par ailleurs, la Syrie et l’Irak sont accusés d’abriter les membres du PKK (parti des travailleurs du Kurdistan) et donc de protéger le terrorisme kurde. C’est pourquoi les Turcs ont généralement une image détestable des Arabes.

 

A ceci s’ajoute la décision turque d’entreprendre le GAP, décision prise sans concertation avec ses voisins et donc perçue comme agressive et indélicate. La construction des barrages et surtout le remplissage des lacs de retenue (celui d’Atatürk en particulier) ont réduit voire coupé l’alimentation en eau de l’Euphrate et suscité des désaccords marqués avec les pays en aval. De plus, de par ce projet la Turquie a démontré sa capacité à contrôler l’Euphrate et le Tigre en amont. Elle a ainsi accentué la dépendance de l’Irak et de la Syrie à l’égard du château d’eau turc.

 

Aucun traité tripartite n’a pu être signé sur le partage des eaux entre les Etats riverains. Malgré cela, la Turquie s’est engagée à fournir 500 m3/s à la Syrie dans un accord bilatéral en 1987. Outre cet accord turco-syrien, les deux pays arabes ont adopté un plan de répartition proportionnelle des eaux de l’Euphrate à raison de 42% pour la Syrie et 58% pour l’Irak.

 

Positions des Etats riverains de l’Euphrate et du Tigre

L’Irak, le pays le plus dépendant de la Turquie pour son alimentation en eau, considère que les deux fleuves sont internationaux et exige le respect des droits acquis. Ainsi, il demande que la consommation antérieure des Etats soit obligatoirement satisfaite ; les ressources supplémentaires dues aux aménagements ultérieurs doivent être partagées entre les riverains. Par ailleurs, l’Irak refuse la théorie de l’unicité du bassin versant. Il estime que les deux fleuves sont indépendants et ne constituent donc pas deux branches d’un même bassin hydrographique.

 

La position syrienne est identique à celle de l’Irak au sujet du respect des droits acquis. De plus, elle souhaite également interdire tout aménagement qui modifierait le débit si l’ensemble des Etats riverains n’adhère pas au projet. Néanmoins, la Syrie se démarque de l’Irak en soutenant l’unicité du bassin versant. Cette théorie permettrait à la Syrie et à la Turquie d’obtenir le bénéfice exclusif des eaux de l’Euphrate. En effet, les deux Etats pourraient demander à l’Irak de prendre sa part de ressources sur le Tigre, difficilement aménageable en amont, et non sur l’Euphrate.

 

Cette position envers l’unicité du bassin versant est également celle de la Turquie. Toutefois, la Turquie ne reconnaît pas le statut international des deux fleuves. Elle estime qu’ils sont seulement transfrontaliers, ce qui lui permet de gérer les ressources sans tenir compte des considérations des pays en aval. Néanmoins, elle respecte les droits acquis antérieurs aux nouveaux projets hydrauliques sans pour autant accepter de signer un accord multilatéral sur des quotas de répartition. A ses yeux, l’accord bilatéral de 1987 est définitif, elle refuse d’augmenter les quotas malgré les demandes syriennes et irakiennes.

 

La Turquie vue par les Arabes

La position turque suscite appréhensions et craintes. Elle oscille entre propositions de partage et réticences. Cette ambiguïté inquiète les deux Etats arabes qui dépendent essentiellement du château d’eau turc. 

 

A cela s’ajoute l’attachement de la Turquie à l’occident. En effet, les Turcs cherchent à se distinguer du monde arabe : ils sont candidats à l’adhésion à l’UE, ils appartiennent à l’OTAN et se positionnent souvent en faveur d’Israël.

 

Ils apparaissent ainsi comme le pion des USA dans la région et attisent méfiance et suspicions de la part du monde arabe.

 
 

Le projet GAP soulève donc de nombreuses critiques externes mais aussi internes. En effet, la population accuse le gouvernement de ne pas tenir les objectifs de modernisation et de développement de la région faute de crédits et surtout de volonté politique. Les retards s’accumulent, le chômage ne chute quasiment pas, la réforme agraire promise n’est pas mise en place…

 

Les neuf départements concernés par le projet sont peuplés en majorité de kurdophones. Or, même si le gouvernement ne l’a jamais exprimé officiellement, l’un des buts principaux du GAP consiste à intégrer les Kurdes dans l’espace national turc et annihiler ainsi l’influence dans la région du mouvement séparatiste kurde.

 

Ces tensions entre la Turquie, la Syrie et l’Irak sont certes palpables mais suscitent moins d’inquiétudes que celles autour d’Israël. Les trois pays bénéficient de ressources en eau bien plus importantes que le reste du Proche-Orient. Cependant, les conséquences du GAP ne doivent pas être sous-estimées, notamment en ce qui concerne la pollution. En effet, si les scientifiques ne connaissent pas encore précisément les répercussions écologiques des derniers aménagements hydrauliques, ils constatent une forte salinisation des terres en amont comme en aval, susceptible de modifier profondément l’écosystème de la région.

 

Sources : Georges MUTIN (Le Tigre et l'Euphrate de la discorde) - Stéphane de TAPIA (Le projet GAP en Turquie)... Voir liste complète.

haut de page

   Qui sommes nous ?  
Mentions légales
 
Plan du site